Nous avons tous un impact

 

Préambule : Pour changer un peu de nos récits de voyage, je vous propose un article un peu différent, qui j’espère pourra vous faire réfléchir sur certains sujets que je trouve important. A vous de voir si vous avez envie de vous évader d’une autre façon. Si vous ne devez regarder qu’une chose de cet article : La vidéo de Reynaldo ! Merci de votre lecture, nous pensons fort à vous ❤

 

 

L’avantage d’un voyage au long court comme le nôtre est le temps ; le temps qu’il nous donne. Le temps, bien évidemment, de profiter de la vie, de ne plus être enfermés dans le cycle de notre société contemporaine, où le métro/boulot/dodo est ponctué de conso. Il donne le temps de réfléchir, du fait :

  • du lieu où nous nous trouvons : la forêt Amazonienne, presque coupés de la civilisation (2 heures d’électricité – 3 fois par semaine avec de la wifi),
  • des gens avec lesquelles nous partageons notre expérience ; des chercheurs, des apprentis scientifiques, des volontaires comme nous, et l’équipe péruvienne qui fait tourner la machine
  • des travaux que nous effectuons en tant que volontaires.

 

Plusieurs éléments m’ont permis de réfléchir, ou du moins de continuer ma réflexion, sur notre impact sur la société actuelle :

1       Recherches / Etudes scientifiques sur les papillons et les abeilles

2       Documentaire et Débat sur la chasse aux trophées en Afrique du Sud

3       Documentaire sur l’exploitation des mines dans l’Amazonie Péruvienne

4       Rencontre de Reynaldo, le Pierre Rabhi d’ici

 

Quel est l’impact des recherches scientifiques ?

Je ne me suis jamais posée ce genre de question, n’étant absolument pas intéressée par ce domaine. Notre mission d’éco-volontariat m’aura permis de me faire une idée plus nette de ce que peut engendrer la recherche scientifique. Je me suis questionnée à plusieurs reprises à propos de la réelle utilité de nos expéditions en forêt :

Pour l’étude des papillons, nous avons installé des pièges à papillons, sorte de moustiquaire pouvant laisser passer des insectes avec en son centre du poisson ou des bananes fermentées pour les attirer. Les pièges sont relevés tous les jours, les papillons restent donc au maximum 24 heures dans le piège. Le contrôle des pièges consiste à sortir les papillons du piège et de les manipuler précautionneusement pour ne pas les abimer et de les identifier. Le but de cette étude rentre dans le projet de conservation de CREES (l’association avec laquelle nous faisons notre mission de volontariat), les papillons sont très sensibles au changement de l’environnement, l’évolution de leur nombre et des espèces donnent des informations essentielles.

Piège à papillon, Le Morpho, l’un des plus grands papillons de la région, un papillon qui utilise une technique de mimétisme pour se camoufler 

 

Pour l’étude sur les abeilles-orchidées, espèce dont les particularités sont de ne pas vivre en communauté et de chercher des parfums dans la forêt pour s’embaumer de celles-ci afin de séduire une femelle, nous avons attrapé plusieurs abeilles en les attirants avec des huiles essentielles, mais malheureusement les abeilles n’ont pas été relâchées. En effet, la chargée d’étude, Laura, nous a expliqué que, à contrecœur, ils étaient obligés de noyer les abeilles dans de l’alcool pour pouvoir les étudier au microscope, l’identification « vivant » n’étant pas possible. Cela a été pour nous un véritable crève-cœur connaissant la condition des abeilles dans le monde actuellement. Le but de cette étude est d’étudier une espèce encore méconnue et de lier ces informations avec les différents écosystèmes de la forêt Amazonienne.

Nous avons également mené des études sur les amphibiens et reptiles de nuit dont le but est également de faire des relevés sur leurs nombres et leurs espèces. Parfois, des grenouilles ou serpents étaient ramenés dans des sacs en plastique dans lesquels on les gardait captifs pendant près d’une journée…

(PS : Lorsque j’écrivais ces quelques lignes des chestnut-fronted macaw (type de perroquet), ce sont posés à une dizaine de mètres de moi, c’est pour vous donner une idée du contexte J)

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Le perroquet en question 🙂

… au camp pour pouvoir les identifier de façon plus précise ou les prendre en photos.

Ces différentes études m’ont fait me poser des questions sur l’intérêt de telles études scientifiques. Nous avons discuté avec les équipes et je comprends leurs points de vue : nous avons besoin de données pour mieux connaître la forêt Amazonienne, pour aider à la conservation des espèces et à la biodiversité. Je comprends tout à fait ces arguments, mais il y a deux principales choses qui me questionnent :

–        Pourquoi l’homme a-t-il toujours besoin d’en savoir plus, d’aller toujours plus loin, de repousser les limites ? Avons-nous une soif insatiable de connaissance ? ou serait-ce un besoin de surpasser la génération précédente, de prouver notre supériorité sur les autres espèces ? Ou nous arrêterons-nous ?

–        L’objectif de la conservation, n’est pas vraiment de « conserver », mais de protéger. Protéger de quoi ? De la société de consommation qui grignote (mord ?) de plus en plus dans les espaces naturels. Donc, on fait subir à certains individus (papillons, grenouilles et serpents capturés, abeilles tuées) l’impact de nos propres actions.

Personnellement, je ne pense pas que le sens de la vie soit d’en expliquer le fonctionnement, sa nature ou sa genèse, mais d’en profiter et de se réjouir du miracle du vivant.

 

La chasse aux trophées, entre émotion et réalité…

A la suite de notre débat hebdomadaire sur un sujet de conservation, CREES a diffusé un dimanche soir au cours de nos 2 heures d’électricité un documentaire de la BBC qui a fait parler.

Le documentaire est découpé en plusieurs vidéos, pour les retrouver toutes que YouTube rechercher ceci : « Louis Theroux’s African Hunting Holiday »

En bref, un journaliste (Louis Theroux) de la BBC suit pendant quelques jours, des chasseurs de trophées en Afrique, des éleveurs d’animaux destinés à la chasse, et des propriétaires de réserves. Le but du documentaire étant d’essayer de comprendre ce sujet épineux qu’est la chasse aux trophées dans les pays d’Afrique. On parle ici de chasse aux lions, éléphants, buffles, antilopes… en fait tous les animaux dont le portefeuille d’un chasseur peut s’offrir. Le roi d’Espagne pouvant s’offrir à lui tout seul les big five…

Ce documentaire m’a confirmée dans certaines de mes positions

  • La majorité des clients sont des nord-américains dont le rêve est de s’offrir une photo avec leur proie…
  • Certains qualifient cette chasse par du « sport », je ne vois absolument où est le sport quand le « chasseur » est amené dans une cachette avec une fenêtre ouverte sur un point d’eau où les animaux viennent s’abreuver ou lorsque le traqueur fait le travail de trouver les proies.
  • Dans le même ordre d’idée que les réserves dédiées à la chasse, nous pourrions voir émerger des réserves dédiées à la « culture » d’ivoire. Après tout, il y a une demande ? C’est assez révulsant, mais c’est comme cela que le monde capitalistique fonctionne, il faut pourvoir à la demande.

Il m’a également fait bouger de mes positions ou du moins m’a fait me remettre en question. Le documentaire montre bien que les chasses se font sur des animaux qui sont élevés dans le seul but d’être chassés et tués. Ils parlent ainsi d’élevage d’animaux qui, sans la chasse aux trophées, n’existeraient même pas et c’est là que l’argument de conservation rentre en jeu. Personnellement, étant donné que les animaux sont destinés à être abattu, je ne vois pas où est la conservation… Par contre, là où les éleveurs marquent un point est en demandant quelle est la différence entre élever des lions pour les destiner à la chasse et d’élever des bœufs pour les abattre et les manger ? Ne serait-ce qu’une question d’émotion et de culture ? Je crois que c’est en effet le cas, qui a encore conscience que dans son assiette il y avait un être vivant. Peu de monde étant donné le processus industriel derrière notre alimentation qui nous est inconnu. Qui serait encore capable de tuer un poulet pour se nourrir ?  Une minorité, du moins en occident, et pourtant je me souviens très bien de mes grands-parents qui tuaient les lapins pour les manger.

Je ne mange plus de viande depuis plus de 15 ans (sauf quelques très rare exception). Je pense que cela vient en premier lieu de l’envie de ressembler à une de mes sœurs, mais j’ai compris il y a bien longtemps du besoin de réduire notre consommation de viande pour la planète. J’essaye également de réduire ma consommation de poisson. Je ne suis donc pas végétarienne, mais j’essayes avant tout d’être cohérente avec mes idéaux. Je ne crois pas qu’il faille demander à tous les êtres humains de devenir végétarien, mais uniquement de limiter sa consommation aux besoins nécessaires.

 

Notre consommation d’or…

Un autre documentaire, que nous avons vu et qui nous a fait réfléchir, concerne l’exploitation de mines d’or dans la forêt Amazonienne. Le documentaire investit dans un lieu tout proche du camp où nous nous trouvons, en bas du Rio Madre de Dios. Là-bas, près de Puerto Maldonado, des milliers de mineurs indépendants rasent la forêt pour essayer de trouver des infimes particules d’or. En une journée, ils peuvent espérer gagner quotidiennement 100 soles (25 euros), en comparaison, un professeur d’anglais à Cusco gagne 75 soles par jour. Comme pour les exploitations en Afrique où les personnes sont exploitées et vivent une vie de misère, on peut également se poser des questions sur notre consommation d’or, et le fait que l’or reste à travers les décennies une valeur refuge.

Un souffle d’espoir, Reynaldo Ochoa

Le projet de l’association CREES a été très largement inspiré par la rencontre avec un homme Reynaldo. Celui-ci avait quitté une ville de Pérou pour s’établir à Salvacion (village de la forêt Amazonienne, à l’entrée du parc Manu où nous nous trouvons) en espérant y trouver plus de prospérité pour lui et sa famille. Il s’est très vite rendu compte que les moyens employés par les nouveaux habitants n’étaient pas pérennes : brulage de la forêt pour gagner des terres, monoculture (bananiers), dépendance d’approvisionnement avec Cusco (8 à 10 heures de trajet pour acheminer la nourriture). Il a décidé de tout mettre en œuvre pour vivre de façon autonome et de préserver la biodiversité. Deux projets ont émané et ont été soutenus par CREES :

–        La création de Bio-potager,

–        Le développement de l’agroforesterie.

Beaucoup de personnes pensaient que rien ne pouvait pousser dans ce lieu soit très chaud pendant la saison sèche, soit très humide pendant la saison des pluies. Reynaldo a prouvé le contraire en développant des jardins capables de produire tomates, courges, poivrons, salades… L’idée est simple : un toit protégeant les légumes des rayons du soleil et laissant passer le nécessaire d’eau en cas de pluie. En accord avec Reynaldo, CREES a décidé d’aider tous les foyers de Salvacion qui le souhaitaient en leur fournissant le matériel et la main d’œuvre pour créer ces bio-potagers. Il y a actuellement 200 bio-potagers à Salvacion qui permettent à plusieurs familles de s’autoalimenter. Certaines revendent même le surplus, ce qui leur procurent un revenu supplémentaire.

Travaux dans les bio-jardins, sans doute l’une des mes activités préférées !

L’idée a tellement bien marché, que le gouvernement péruvien l’a repris à son compte et a décidé de subventionner des centaines de bio-potagers en fournissant le matériel dans toute la région Amazonienne.

L’autre projet mené en collaboration avec Reynaldo est l’agroforesterie, beaucoup de culture sont uniquement dédiées à la banane, ce qui est très néfaste à la biodiversité. Aussi, Reynaldo a eu l’idée de faire pousser des boutures d’arbres chez lui pour pouvoir les proposer aux villageois afin qu’ils diversifient leur culture. L’intérêt pour les villageois est d’investir dans des arbres à bois dur qui pourront profiter à leurs enfants et leur apporter un revenu au moment de la coupe. Reynaldo peut être fier d’avoir fait pousser plus de 3 000 plantes et 600 arbres.

Un magnifique film a été tourné sur Reynaldo, je vous laisse le découvrir c’est très court (5 min), mais à mon sens très riche en émotion :

 

CONCLUSION

Tout cela pour vous dire que je pense qu’il est important d’être cohérent dans ces choix de consommation. J’entends tellement de personne dire qu’à leur échelle ils ne peuvent rien faire. N’importe quoi, on porte tous une responsabilité, et le changement ne peut venir que par le bas : notre portefeuille a beaucoup plus de poids que notre bulletin de vote. Ainsi, je pense que lorsque l’on achète quelque chose il faut se demander à qui profite l’argent… Bien sûr ce n’est pas évident pour tout le monde, surtout lorsque nos moyens financiers sont limités…. Mais il faut essayer de choisir des produits sains, respectueux de la santé et de la planète et surtout nous informer ! Pierre Rabhi dit que dans un futur proche avoir son propre potager sera un signe de rébellion, il n’a pas tort quand les industriels tels que Monsanto font tout pour que toutes les graines vendues dans le monde ne proviennent que d’eux et qu’il ne soit plus possible de replanter à partir des semences des années passées… cela fait peur.

Il faut prendre conscience de tout cela  et faire son colibri pour laisser à nos enfants une planète dans un meilleur état que celle dans lequel on l’a trouvé.

 


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