Avant de vous parler de nos aventures, il me semble important de vous raconter une histoire, du moins son résumé, afin de bien situer le contexte.
Cette histoire est celle d’une grande civilisation, qui a été en quelque sorte l’aboutissement de toutes celles qui l’ont précédé, celle de bâtisseurs de génie, d’un peuple aux connaissances astronomiques poussées et qui vénéraient ce qui les entourait. Civilisation qui a été la plus importante de toute l’histoire de l’Amérique du Sud. Il s’agit bien évidemment des Incas. A son apogée, l’Empire Inca s’étendait, approximativement, du Sud de la Colombie au Nord du Chili.
Je m’excuse par avance des éventuelles erreurs ou approximations. Et, si cette partie ne vous intéresse pas vraiment, vous pouvez évidemment passer directement à la suite 🙂
La mythologie Inca veut que cette civilisation soit née au milieu du lac Titicaca, sur l’Isla del Sol (voir notre article à ce sujet), sur laquelle le dieu créateur Viracocha aurait invoqué le Soleil et la Lune qui serait ainsi nés d’un rocher sacré sur l’île. Ensuite, il aurait appelé le premier Inca, Manco Capac, ainsi que sa sœur et épouse Mama Ocllo. Il aurait confié à l’Inca un bâton doré en lui disant qu’à l’endroit où il réussirait à le planter entièrement dans le sol, il devrait fonder sa capitale.
On estime que les Incas se sont ainsi établis dans la région de Cusco au XIIème siècle après y avoir fondé leur capitale. Pendant assez longtemps, ils sont restés un peuple mineur cantonnés à Cusco et ses alentours. Par des alliances et des mariages, ils vont lentement sécuriser les alentours de leur capitale, mais sans s’en éloigner vraiment.
C’est au début du XVème siècle que tout va changer. Les Incas se trouvent menacés par les Chanka, un peuple belliqueux et puissant qui veulent s’emparer de Cusco. Le 9ème Inca, Inca Yupanqui organise la défense de la ville, mobilise des troupes, et, contre toute attente, l’armée Inca va écraser ses adversaires pourtant bien plus nombreux. Cette victoire va donner confiance aux Incas ainsi qu’une soif de conquête. Ainsi, dans les années qui suivent, les Incas vont accroître de façon démesurée leur territoire et l’Inca devient le souverain d’un vaste empire, le plus grand qu’ait connu l’Amérique du Sud.
Yupanqui, qui s’appelle désormais Pachacutec « le Réformateur » met en place une administration efficace, réorganise la société, impose le Quechua comme langue, ordonne d’importants travaux : Pisac, Ollantaytambo, Sacsayhuaman -entre autres-, on dit même que c’est lui qui aurait ordonné la construction de Machu Picchu. Il met aussi en place un maillage de routes qui permet en quelques jours d’envoyer des ordres aux confins de l’Empire grâce à des coursiers. C’est lui aussi qui modernisera Cusco, lui donnera sa forme de puma. Ce personnage est assez méconnu du grand public, pourtant nombre d’historiens s’accordent à dire que c’est un des personnages les plus importants de l’Histoire. Plusieurs souverains vont lui succéder et continuer à agrandir l’Empire, appelé Tahuantisuyo (« l’Empire des quatre Directions » ou « Empire des quatre quartiers ») tout en continuant à se reposer sur l’administration et le système mis en place par Pachacutec.
L’Inca Huayna Capac, bien plus tard, mena ses troupes jusqu’en Colombie, après s’être emparé de ce qui est aujourd’hui l’Equateur et y avoir fondé la ville de Quito qu’il affectionnait particulièrement, depuis laquelle il commanda ses troupes, plutôt que depuis Cusco.
Les Espagnols étaient déjà arrivés en Amérique du Sud et avaient amenés avec eux nombre de maladies que les indigènes ne connaissaient pas. Huayna Capac meurt, possiblement de l’une de ces maladies. Avant de mourir, il fait le choix malheureux de diviser son Empire en deux entre deux de ses enfants : Atahualpa qui commandait les armées dans le Nord (et qui avait évidemment leur soutien) et Huascar, l’héritier légitime qui était à Cusco et qui avait le soutien des prêtres. Inévitablement, s’en est suivie une guerre civile entre les deux souverains qui voulaient régner sur tout l’Empire. C’est Atahualpa qui prendra le dessus. Lorsque les 168 conquistadors arrivent au Pérou en 1532, avec l’intention de s’emparer de l’Empire et de ses richesses, c’est donc au moment le plus opportun pour eux. Les deux frères avaient entendu parler de l’arrivée de ces gens barbus à la peau blanche, mais aucun n’avait jugé leur menace suffisamment sérieuse pour s’en préoccuper.
Francisco Pizarro, à la tête des envahisseurs, organisa une rencontre avec Atahualpa contre la promesse de cadeaux. Atahualpa venait de triompher contre son demi-frère et se dirigeait de Quito à Cusco pour s’emparer de la capitale. Il accepta et Pizarro put ainsi s’emparer de lui après avoir massacré plusieurs milliers de ses troupes.
Atahualpa fut retenu prisonnier. Pizarro exigea le paiement d’une importante rançon : une pièce entière devait être remplie d’or et d’autres richesses. Ce qui fut réalisé. Mais Pizarro ne libéra pas l’Inca. Il le retiendra prisonnier pendant 8 mois, nouera d’étranges relations avec lui -il lui apprendra notamment à jouer aux échecs-, puis, sous l’insistance d’un missionnaire catholique qui l’accompagnait, il mettra à mort le souverain. Pour sécuriser la vice-royauté du Pérou, Pizarro mettra sur le trône le demi-frère d’Atahualpa, Manco Inca, et l’utilisera comme marionnette pour mieux commander les indigènes. Sauf que, le docile Manco Inca finira par se rebeller et tentera de mettre dehors les espagnols et de s’emparer de Cusco. Rappelons que Cusco était la ville sacrée, la plus importante pour les Incas. Dans le Nord de l’ancienne capitale, loin dans la jungle, Manco Inca fondera un royaume, Vilcabamba, où il établira sa nouvelle (et celle qui sera la dernière) capitale. Il amènera avec lui nombre d’idoles en or et en argent, divers trésors, il sera aussi rejoint par des prêtres, des vierges du Soleil et des troupes. Dans les années qui suivirent, les Incas mèneront des opérations de guerilla et de harcèlement des troupes espagnoles, attaquant notamment l’approvisionnement de Cusco qui se faisait depuis Lima.
Finalement, les espagnols décidèrent d’en finir une bonne fois pour toute et organisèrent une expédition de 250 hommes, épaulés par 2000 indigènes pour aller s’emparer de Vilcabamba. Lorsqu’ils arrivent dans la jungle, ils trouvent la capitale vidée de ses habitants et de ses richesses, mais aussi brûlée. L’Inca Tupac Amaru, descendant de Manco Inca, s’est enfui avec son épouse encore plus profondément dans la jungle. Eperdument amoureux d’elle, il se refuse de l’abandonner, d’autant plus qu’elle est enceinte de plusieurs mois. Il l’aidera de son mieux dans leur fuite. Il la suppliera de l’accompagner sur un bateau pour s’enfuir plus rapidement, mais, apeurée, elle refusa. Un officier espagnol, accompagné de 40 soldats trié sur le volet se lance à leur poursuite et finit par les retrouver sur les berges d’une rivière en train de se réchauffer près d’un petit feu. La grossesse de l’épouse du souverain les ralentira et les empêchera de s’enfuir à jamais. Les Espagnols reconnurent que s’ils s’étaient enfuis en bateau, ils ne les auraient jamais retrouvés. Ils sont ramenés à Cusco enchainés où ils sont ensuite sommairement jugés et condamnés à mort.
Nous sommes en juillet 1572. Il est dit que Cusco est noire de monde. La Plaza de Armas, cœur de ce qui fut la capitale de l’Empire des aïeux de Tupac Amaru, est bondée à tel point que nombre d’indigènes ont dû s’installer sur les toits et même sur les collines environnantes. Pour rajouter de l’horreur à ce jour, les espagnols, dans leur sanguinaire mépris, commencent par mettre à mort l’épouse de l’Inca -rappelons qu’elle était enceinte de plusieurs mois-. Après avoir vu mourir son épouse dont il était éperdument amoureux, l’Inca reçoit une bénédiction des prêtres du Soleil, il pose sa tête sur le billot et est décapité. Les espagnols brandissent la tête du dernier Fils du Soleil devant la foule de Cusco qui est en pleurs tandis que la cathédrale et les églises sonnent le glas.
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Lorsque j’ai parcouru le Chemin de l’Inca pour aller au Machu Picchu il y a maintenant 7 ans, notre guide m’avait parlé de Vilcabamba et de Choquequirao, dont je n’avais alors jamais entendu parler. Il m’avait dit que cet endroit était extraordinaire et valait au moins autant la peine d’une visite que Machu Picchu.
Bien que l’on manque d’informations précises, on pense que l’ultime capitale Inca est la ville de Vilcabamba, qui se trouve quelque part, très loin dans la jungle. La seule façon de s’y rendre est une randonnée de 15 jours (!!) qui passe par la jungle et des sentiers peu fréquentés. EN clair, le site est extrêmement difficile d’accès. Mais il y a aussi Choquequirao, ville très importante, plus grande que Machu Picchu et bien moins fréquentée. Il faut 2 longues journées de marche sur un sentier difficile et exigeant pour s’y rendre, mais l’accès en est en tout cas plus facile que Vilcabamba.
L’aparté historique qui introduisait cet article me paraissait important afin de situer la tragique histoire de ce site et de ce qu’il était.
Outre l’aspect historique, ce site est très peu visité car il est difficile d’accès. Par ailleurs, voulant soulager l’affluence que connaît Machu Picchu, le gouvernement péruvien a donné son feu vert à la construction d’un téléphérique qui permettra de considérablement en faciliter l’accès. Si le site est aujourd’hui relativement confidentiel et peu fréquenté, cela changera certainement dans les années à venir. Le site a été recouvert par la jungle, il a été partiellement défriché, mais on estime qu’on ne voit aujourd’hui que 30% de ce qu’est réellement Choquequirao, le reste attendant dans la jungle.
Après avoir fait des recherches, échangé avec des personnes qui y sont allés, Amandine et moi avons décidé de nous y rendre. Seulement voilà, ce n’est pas de tout repos : le seul et unique accès est un sentier qui implique 2 jours de marche (aller) et ce sentier est réputé difficile.
Mais comme nous aimons nous lancer des défis, nous avons décidé d’y aller par nos propres moyens, de se passer d’une agence, ce qui implique 4 jours de marche en totale autonomie. Cela faisait quelques temps que nous avions envie de faire une vraie randonnée en autonomie. Les avantages sont nombreux : on n’est pas dépendant d’une agence et de son planning, ça coûte nettement moins cher et puis… c’est un beau défi personnel et c’est super classe ! Le hic, c’est qu’il faut évidemment tout gérer et surtout, porter tout le matériel ainsi que la nourriture. Et tant pis pour mon orteil fracturé qui n’est pas totalement réparé.
Nous avons commencé par aller voir un magasin de trekking afin de louer le matériel nécessaire (nous disposons déjà de nos sacs de couchage) :
- Une tente légère (il ne fait pas froid la nuit)
- Des matelas de randonnées gonflables
- Un réchaud et une bouteille de gaz
- Un set de cuisine
- Des bâtons de randonnées.
Puis nous sommes allés faire nos courses au supermarché. C’est la partie la moins évidente quand on se lance pour la première fois : quoi acheter et en quelle quantité ? nous avons évidemment pris un stock de pâtes, des sauces pour égayer, quelques conserves, du lait en poudre et de l’avoine pour le petit déjeuner, des snacks (chocolat, barres de céréales, fruits secs), des galettes mexicaines, du fromage, des sachets de nouilles chinoises et quelques fruits et légumes. La règle d’or est évidemment d’emporter le strict nécessaire, car le petit truc « que je pourrais emporter au cas où » est le petit truc qui fait peser un petit peu plus le sac. Alors, on emporte surtout ce qui est nécessaire, mais avec néanmoins un extra de nourriture, au cas où. Et puis, c’est important de se faire un peu plaisir et de prendre de la nourriture qui donne le sourire, c’est réellement important pour le moral.
Nous avions prévu 4 jours de marche, plus une journée complète sur le site : 5 jours au total, donc.


Pour vous donner une idée plus précise, nous sommes allés demander à une agence qui nous a dit qu’ils facturaient cette randonnée pour 650$ par personne, tout compris. En la faisant en autonomie, nous en avons eu pour 150$ à nous deux (transport, location du matériel et nourriture) … belle économie !
Le jour du départ, nous nous sommes levés très tôt pour aller attraper le minibus qui partait à 6h. Nous avons roulé pendant environ 2h30 jusqu’à Curahuasi (15 Soles), puis, nous avons pris un taxi colectivo (partagé) jusqu’à Ramal Cachora (12 Soles, 30min), et enfin, un nouveau un autre taxi collectif et nous sommes arrivés sur la place principale du village de Cachora (5 Soles, 30Min).
Ce trajet nous a fait traverser des jolies zones rurales et des petits villages, avec en toile de fond les montagnes de la Vallée Sacrée.
Beaucoup de personnes ne font pas la première partie du trek. Il s’agit de 10km sur une piste poussiéreuse et peu agréable qui amène à un mirador où le trek commence ensuite pour de vrai. Nous avons choisi d’en faire autant et nous avons attendu qu’un taxi passe (nous avons attendu environ 15min) et lui avons demandé de nous amener au mirador.
A cet endroit, il y a un petit restaurant local et quelques stands où on peut acheter des boissons ainsi que des fruits et légumes.
Nous sommes contents d’y être enfin ! mais nous sommes aussi un peu nerveux en sachant que la suite va être difficile et qu’on va en chier. Il est environ 10h30, nous achetons quelques légumes pour le déjeuner et nous nous lançons !
S’il y a un aspect facile sur ce trek, c’est pour se repérer : il suffit de suivre le sentier principal qui est clairement tracé. Impossible de se tromper.
La première partie est une descente qui descend déjà pas mal. Nous sommes à flanc de montagne et le paysage est réellement spectaculaire et vertigineux. Nous descendons et, déjà, je me dis que sur le chemin retour il faudra remonter cet endroit et que ce sera dur !




Il ne faut pas beaucoup de temps pour que nous commencions à avoir chaud. Nous sommes en plein cagnard, il n’y a pratiquement aucun arbre, le soleil est déjà levé depuis longtemps et il cogne sévèrement. Nous arrivons finalement à un petit abri qui est l’endroit idéal pour notre pause déjeuner. Nous sortons les avocats (on vous a déjà dit qu’ici, ils sont absolument délicieux ? rien à voir avec ceux qu’on trouve chez nous), on fourre nos galettes avec ainsi qu’avec du fromage) et on souffle. Tout en bas, mais vraiment beaucoup plus en bas, on voit couler la rivière que nous devrons traverser à un moment donné. Mais quand, vers quelle heure, on n’en sait rien du tout ! on voit le sentier qui continue à longer le flanc de la montagne, on croit en voir un sur le versant opposé, mais on n’a pas la moindre idée s’il s’agit de celui que nous allons suivre.
Nous remettons nos sacs sur le dos. Nous n’avons pas la moindre idée de leur poids, mais sans doute aux environs de 15kg, et nous avons été vraiment raisonnables avec ce que nous avons emporté. Pour ma part, la tente, les matelas, le réchaud et le gaz remplissent presque entièrement le compartiment principal.
Le paysage est toujours aussi spectaculaire, mais on ne peut pas pour autant le qualifier de joli. Et il fait chaud, très chaud, vraiment très chaud et il n’y a pas le moindre arbre pour nous faire un peu d’ombre. Nous arrivons néanmoins dans des zones où il y en a quelques-uns, mais le peu d’ombre qu’ils font ne nous apporte que peu de fraicheur.
Nous marchons en silence, et, pour ma part, je parviens enfin à mettre des mots sur ce que m’inspire cet endroit. Nous sommes donc à flanc de montagne, il n’y a aucun bruit autour de nous, la végétation se limite à des herbes, quelques broussailles ou arbustes et quelques arbres qui semblent autant en souffrance que nous. En fait, depuis que nous sommes partis, le décor et l’atmosphère m’inspirent un profond sentiment de tristesse. C’est comme si la Nature et le lieu où nous sommes étaient en deuil. Ce sentiment ne cessera de m’habiter tout le long de notre marche.

Après être arrivés sur un angle de la montagne, nous voyons le sentier qui continue à descendre en zigzag. La rivière nous paraît encore bien loin… et elle nous paraîtra encore très lointaine pendant très longtemps. Nous avons très chaud, toujours. Dans nos sacs, l’eau diminue.
« Mais on y arrive quand à cette fichue rivière ? ». Elle ne nous paraît plus très loin, mais, en même temps, on ne voit pas quand le sentier la rejoint. C’est vraiment difficile et nous n’avons pas le moral.
A un moment, je me tourne, et je ne vois plus Amandine derrière moi. J’étais tellement dans ma souffrance et mon effort d’avancer que je ne m’étais pas rendu compte qu’elle n’était plus derrière moi. Je l’appelle, pas de réponse. Je fais demi-tour, je marche quelques minutes et la voici qui apparait enfin. La chaleur est vraiment difficile et elle ne se sent pas très bien. Nous avançons ensemble et, comme sa tête commence à tourner, nous nous arrêtons. Le soleil commence à descendre et nous sommes à l’ombre. Amandine s’assied, puis s’allonge. J’extraie ma poche d’eau de mon sac afin de lui en mettre sur la nuque, et c’est là que je me rends compte qu’il est pratiquement vide. J’ai l’impression que le pont qui traverse la rivière, et le camp qui est à côté, ne sont pas très loin. Mais, ne les voyant pas, c’est difficile d’être certain.
Quelques personnes passent sur le sentier, accompagnés d’ânes qui transportent on-ne-sait-quoi.
Nous attendons, finalement, Amandine se sent mieux et nous repartons. Nous voyons enfin la berge, le pont et le camp. Au bout d’environ 30min, nous y sommes enfin. Nous posons nos affaires, nous nous enregistrons sur le registre et nous voyons un couple qui sont des français. Nous discutons avec eux. Ils sont sur le chemin du retour et ils font une longue pause en attendant que le soleil se soit caché derrière les montagnes avant de repartir. Je consulte ma montre : il est environ 15h. Stupeur ! nous avions l’impression qu’il était bien plus tard que ça, avec ce soleil qui disparaît derrière les montagnes.
Je remplis enfin ma poche d’eau, je m’apprêtais à mettre dedans une capsule de purification d’eau, mais les français me disent qu’ils ont systématiquement bu l’eau qu’on trouve dans les camps qui jalonnent le sentier et qu’ils n’ont eu aucun problème. « Si l’eau n’est pas bonne, en principe, on s’en rend compte très vite ! Et puis, les tablettes de purification contiennent de la javel, ce n’est guère mieux ». Je leur fais confiance et suis leur avis. Après coup, je peux confirmer : non seulement l’eau qu’on trouve tout le long dans les camps est parfaitement potable mais elle est en plus franchement super bonne. Pendant notre pause, nous faisons connaissance avec les nombreux moustiques que l’on trouve tout le long du parcours. Mais où se trouve le site ? en fait, on ne le voit pas depuis l’endroit où nous nous trouvons. Il faut monter presque tout en haut de la montagne que l’on voit en face de nous, puis la contourner.
Nos amis se remettent en route. Au magasin où nous avons loué le matériel, on nous avait conseillé de ne pas camper près de la rivière et, quand bien même on est fatigués, de continuer. En effet, nous avons aujourd’hui fait 1500m de dénivelé négatif (c’est énorme !), et, le lendemain, c’est 1500m de dénivelé positif qui nous attend. Afin de rendre la journée qui vient moins pénible et moins difficile, on essaie de se motiver pour continuer. Nos amis français nous ont confirmé que si on ne continuait pas, le lendemain nous paraitrait vraiment long et difficile.
Il est environ 16h, nous nous remettons donc en route pour le camping avec ses 700 m de dénivelé positif à gravir sur 2 ou 3 km. Nous franchissons le pont et nous sommes enfin sur l’autre berge où un panneau nous souhaite la bienvenue dans le parc. Le sentier grimpe. Mais genre beaucoup. La suite, ce sera une longue succession -interminable- d’une courte ligne droite qui grimpe sévèrement suivie d’un lacet, et ainsi de suite. Et il s’agit bien du sentier que l’on voyait depuis l’autre versant. On grimpe, on grimpe, ça n’arrête pas. Nous croisons des gens qui n’ont qu’un petit sac sur leur dos. Il s’agit évidemment de personnes qui sont passées par une agence. Nous les regardons passer avec envie, et encore plus quand nous voyons les vaillants ânes et chevaux passer, portant sur leur dos la nourriture, les vrais sacs et tout le matériel.


Nous sommes évidemment très très fatigués. Amandine s’essouffle et son cœur bat très fort, ce qui fait qu’elle est obligée de s’arrêter très souvent pour reprendre son souffle. Mais, courageuse, elle continue et je m’efforce de l’encourager. La nuit commence à tomber et nous ne voyons toujours pas le camp. Au bout d’un moment, c’est dans la clarté offerte par la Lune que nous avançons. Là encore, le moral est vraiment. « Je pensais en chier, mais à ce point-là, non. J’étais loin de m’imaginer que ce serait aussi dur » me dit Amandine. Je suis bien de son avis…
Et, soudain, au détour d’un lacet, on voit une habitation à quelques mètres. Effectivement, c’est bien le camp tant convoité. Une dame nous accueille, nous confirme que nous pouvons installer notre tente pour 5 soles et nous demande si nous souhaitons qu’elle prépare notre repas. Nous lui disons que nous avons notre nourriture. C’est avec la lampe que je réalise le premier montage de la tente. Après quelques minutes, notre habitation se dresse fièrement et est prête. Nous sommes les seuls campeurs. Fièrement, et symboliquement de notre liberté et autonomie, je monte et j’allume le réchaud. Amandine se charge de faire la cuisine. Pour nous récompenser de notre longue journée, nous achetons un Coca Cola -pas frais- à la dame qui vend diverses choses : pâtes, snacks, eau, etc…
La dame est partie se coucher en laissant la lumière allumée pour que nous puissions plus facilement préparer et manger notre souper. Je prends une douche, dans les sanitaires sommaires, mais sanitaires quand même. On ne pensait pas trouver de douche de tout le long, du coup on n’avait pas pris de serviette… Dommage. Mais en fait il y a des vraies toilettes et des douches dans tous les camps qu’on trouve le long du parcours.


Après une nuit où nous avons très bien dormi -en effet, il ne faisait absolument pas froid durant la nuit-, nous nous levons très tôt afin de monter et d’éviter le calvaire que nous avons affronté hier avec la chaleur du Soleil. Cette fois, il y a plus de végétation et nous sommes donc moins exposés à la chaleur. Mais il fait très doux, et il ne faut pas longtemps avant que nous commencions à avoir chaud. Nous n’avons pas pris de petit-déjeuner, nous avons prévu de nous arrêter plus tard pour faire une pause petit-déjeuner. Comme on nous l’avait dit, et comme nous avons pu nous en rendre compte hier, ça monte énormément et les lacets/courte ligne droite n’en finissent pas. Plus bas, la rivière est déjà bien loin. Cette fois, Amandine n’a pas de problème de cœur qui s’emballe et nous montons sans trop nous arrêter. Finalement, enfin, le sentier semble devenir plus plat. Enfin! Nous finissons par arriver dans un village. Nous sommes surpris de trouver un village dans un endroit aussi éloigné de tout, mais il est bien là.


Nous faisons une pause dans un camp qui se trouve dans ce village et nous préparons le petit-déjeuner. Après notre pause, nous repartons. Le sentier fait une succession de petites grimpées suivies d’une petite descente. Nous traversons une forêt. Des dizaines de papillons volent gracieusement autour de nous. Ça faisait longtemps que je n’en avais pas vu autant ! nous les regardons, émerveillés. Le sentier suit le contour de la montagne, nous continuons à avancer. Et, soudain, sur le versant opposé, je vois des terrasses. Enfin ! ça fait vraiment du bien au moral d’avoir un visuel, quand bien même ça parait encore loin.

Nous continuons, et, pas très loin des terrasses que nous avions vus, un autre groupe de terrasses apparaissent. Le spectacle est impressionnant : la montagne est presque à la verticale à cet endroit, mais pourtant, les Incas ont réalisé la prouesse d’aller y construire des terrasses. En regardant beaucoup plus haut… oui… nous voyons nettement des bâtiments. Choquequirao est là, devant nous, presque à portée de main !



La suite du parcours nous paraitra nettement plus facile. Nous arrivons au poste d’entrée du site où nous payons 55 soles. Il semblerait que le tarif ait beaucoup augmenté ! nous marchons encore, et, finalement, vers midi, nous arrivons au camping. Des agences sont arrivés avant nous et un groupe de tentes ont déjà été dressées. Quelques randonneurs indépendants sont également là. Nous installons la tente, puis nous partons vers les terrasses. Nous voulons garder la visite de la ville pour le lendemain. Cette fois, nous n’avons plus nos sacs à porter, c’est un vrai soulagement.



Nous nous dirigeons d’abord vers le groupe de terrasses, le plus petit, qui se trouve à gauche. Nous sommes absolument tous seuls. Les terrasses sont vraiment en très bon état. Les escaliers flottants sont encore là. Je trouve un escalier en pierre avec ses marches irrégulières qui court le long du flanc de la montagne et qui descend très bas. La pente est vraiment très raide, nous descendons quelques étages mais nous n’allons pas tout en bas, je ne suis pas très rassuré par cet escalier. Nous remarquons le système d’irrigation que les Incas ont construits : des petits canaux ont été aménagés le long de l’escalier et des terrasses. Le temps est assez nuageux, il y a une sorte de brume qui nous empêche de voir les paysages qui se trouvent beaucoup plus bas.
Nous remontons, et nous voyons un aqueduc -sans eau- construit par les Incas pour irriguer leurs cultures. Après un peu de marche, nous arrivons sur le deuxième site de terrasses. Là encore, le spectacle est impressionnant : des centaines de terrasses, de toutes tailles sont aménagées autour de nous. Des escaliers très pentus permettent de passer de l’une à l’autre et des couloirs aménagés permettent de les longer. Là encore, on voit le système d’irrigation. Plus bas, se trouvent quelques bâtiments en ruines. Nous allons les visiter, puis nous descendons jusqu’à la partie basse. Là encore, nous ne sommes que tous les deux. Visiblement, les agences ne prennent pas la peine de faire visiter ces terrasses à leurs groupes. C’est bien dommage, mais c’est tant mieux pour nous !















C’est quand même trop tentant, après tous ces efforts. Quand bien même nous irons visiter la partie principale du site, je tiens absolument à aller voir à quoi ça ressemble ! alors nous montons, montons encore. La partie basse où se situent les terrasses est relativement éloignée de la partie principale. Nous commençons par visiter Piquiwasi, la partie administrative. Il y a un groupe de bâtiments d’une taille déjà conséquente. Là encore, les ruines sont vraiment en bon état. Privilège de ceux qui profitent du site alors qu’il est encore peu fréquenté : des morceaux de poteries et des pierres qui servaient de mortier ont été laissées en évidence.




Nous suivons ensuite un sentier -qui grimpe- et qui longe les bâtiments. Après 20min, nous voyons sur notre droite quelques terrasses. Mais les murs de celles-ci courent sur une longueur réellement impressionnante, plusieurs centaines de mètres. Au-dessus, se dressent les bâtiments du site principal. Nous y sommes presque. C’est la fin de la journée. Il ne fait pas très beau, des nuages bouchent les alentours et des rubans de brume agités par les vents recouvrent le site. Le sentiment de tristesse que j’avais éprouvé s’en trouve renforcé. L’endroit est ainsi baigné d’une ambiance mystérieuse, triste et un peu glauque. Nous continuons, nous montons un petit chemin, et quelques marches, et nous sommes soudainement sur la place principale. De mystérieux et superbes bâtiments se dressent autour de nous. D’une montagne qui se trouve sur le côté, nous voyons un aqueduc descendre vers la place où nous nous trouvons. Nous sommes vraiment à Choquequirao, nous avons réussi ! nous jetons un coup d’œil rapide, nous passons une porte trapézoïdale (qui, je suppose, marque symboliquement l’entrée dans la partie sacrée du site) et nous montons vers le sommet d’une des montagnes qui se trouve un peu plus haut. Le sommet a comme été raboté et ceint d’un petit muret. De l’autre côté de la terrasse se trouve un sentier qui amène vers le secteur des prêtres. Il serpente le long d’une crête. Le ciel est bouché, mais on voit bien que nous sommes très très haut. Nous arrivons finalement à un petit groupe de bâtiment entouré d’un mur.

Après l’avoir visité, nous faisons demi-tour et nous rentrons vers le camping. Nous pouvons déjà faire un premier constat : le site est réellement splendide, en bon état, mais aussi très étendu. Et, comme nous nous y attendions, nous sommes pratiquement seuls pour le visiter. C’est un réel luxe.





Sur le chemin retour, nous marchons le long des longues terrasses que nous avions vu avant d’arriver sur la place principale. Ces murs sont magnifiques et leur longueur réellement impressionnante. Ils sont juste en dessous du groupe principal.


Notre nuit ne fut pas des plus agréables. Le plus invraisemblable est arrivé : dans les tentes qui se sont installées non loin de nous, il y a un ronfleur qui nous a pourri la nuit. En tout cas, il n’y a pas à douter que lui, il a passé une très bonne nuit.
