Chiloé, une île qui réserve bien des surprises

Notre expérience à Chiloé fût pleine de surprises, la première très enrichissante avec la visite inattendue d’une maison typique de l’île par une mamie Chilote, la seconde que l’on peut également qualifier d’enrichissante avec la grève (pour nous surprise) des pêcheurs artisanaux de l’archipel. D’ailleurs, Chiloé n’est pas une île, mais bien un archipel composé de plusieurs dizaine d’îles dont la principale est Isla Grande. 

Nous voici donc arrivés à Chiloé après un peu plus de 10 heures de bus depuis Bariloche. Après un passage par les douanes Chiliennes et leur chien renifleur de légumes et de fruits (oui mon sac sent la banane, mais il n’y a plus de bananes dedans). Nous arrivons à Puerto Montt, où nous faisons un petit tour en ville avant de prendre un autre bus pour Castro, la ville principale de Chiloé.

 Nous arrivons le Samedi 30 avril au soir dans le sympathique hostal Palafito Waiven. Nous y resterons pour 11 nuits d’affilé. Le Dimanche, nous profitons de notre journée pour visiter Castro et notamment aller voir son église entièrement de bois classée au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO :

 

L’église est splendide et comparativement aux églises fastueuses que l’on peut voir en Europe, celle-ci est belle et modeste, une belle image de la religion catholique loin des dorures et du marbre. Les habitants ont ici construit leur édifices religieux avec les moyens du bord, c’est à dire du bois, du bois et du bois. La seule chose qui manque dans cette église se sont les bougies, dont la pâle lueur serait trop dangereuse pour le bâtiment.

 Autre spécificité de Castro, ses Palafitos: ce sont des maisons sur pilotis initialement occupés par des pêcheurs et qui sont de plus en plus transformés en établissements touristique (comme notre hôtel) pour le meilleur et le pire. Le meilleur car bon nombre de palafitos ont été restaurés et le pire car les palafitos perdent peut être un peu de leur âme. Une autre problématique pour les propriétaire de palafitos est l’absence de titre de propriété. En effet, ces maisons sont construites sur l’eau, il n’y a donc pas de terre associée, si ce n’est les 2 au 3 mètres rattachée à la terre ferme. Les Chilotes réclament donc depuis plusieurs années un titre de propriété (même sur l’eau) qui les protégera d’un éventuel changement de loi.

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Nous passerons notre deuxième journée sur l’Isla Grande à visiter le parc national de Chiloé. Après 1h30 de bus pour arriver à Cucao, nous parcourons les différents sentiers du parc, il n’y a qu’une toute petite partie du parc qui est restée à l’état de forêt primaire. C’est la partie que nous avons préféré, elle est parcourue de Tépu, cet arbre aux formes bizarres qui sert de support à différentes espèces de mousses et lichens.

 

Nous reviendrons vers 18 heures à Castro, le temps de faire un tour en ville et de réserver une excursion pour le lendemain. Nous avons choisi l’agence Chiloé Natural un peu par hasard et n’avons pas regretté notre choix. Notre guide pour le circuit des églises sur l’île de Quinchao, Cyril, est le cofondateur de l’agence et est véritablement passionné et amoureux de son île. Il nous a appris plein de petites choses sur l’île. Nous avons donc pu nous rendre jusqu’à l’église d’Achao, la plus vieille de l’archipel (1740), également inscrite au patrimoine de l’humanité de l’UNESCO. On ressent ici l’envie des bâtisseurs de s’approcher des églises en pierre d’Europe avec les piliers en bois recouverts de lattes en bois pour les rendre semblables à de la pierre. Les peintures au plafond sont également largement inspirées des modèles européens. Au cours de notre visite de l’île, nous nous sommes également arrêtés dans le village de Curaco de Vélez pour admirer l’église de l’extérieur et apprendre que, selon les croyances locales, un décès devrait prochainement se produire car de nombreux vautours étaient installés sur la croix au sommet de l’église. En nous promenant dans les rues du village, nous avons été gentiment invités par une charmante mamie qui nous a proposé une visite improvisée de sa maison. On a pas hésité une seconde, la maison (toute en bois) avait le goût et le parfum de la maison de nos grands parents dans nos souvenirs d’enfants: des couleurs chaudes aux murs, des cabinets de toilettes dans toutes les chambres avec leur pot de chambres (ça doit être bien pratique pour quelqu’un qui comme moi se réveille 1 à 2 fois par nuit pour la petite commission) et des photos de leur ancêtres sur les commodes. Un délicieux parfum de nostalgie nous a accompagné dans le décor désuet et charmant de la maison de la vieille dame. Natalia, elle, était fière et joyeuse de nous faire visiter sa maison et en nous présentant les personnes de sa famille sur les vieilles photos jaunies par le temps. Avant de partir, Mamie Natalia, nous a offert une énorme poignée de gâteaux maison au cas où nous ayons faim 🙂

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Notre guide en a profité pour prendre les coordonnées de Natalia, afin de proposer à d’autres visiteurs de visiter sa maison tout en lui permettant d’avoir une contribution de l’agence en retour.

 

 

Avec notre guide, nous avons continué notre route jusqu’au village de Quinchao pour admirer de l’extérieur son église, la plus grande de l’archipel. Comme nous l’a fait remarquer Cyril, l’île s’appelle  Quimchao alors que c’est un des plus petits villages de l’île (une dizaine de maison) et l’église pourrait abriter 500 personnes alors que le village ne compte qu’une vingtaine d’âmes. Bref: une église d’une taille totalement démesurée pour un si petit endroit!

 Sur la route du retour, Cyril nous indique qu’il y a des troubles dans l’île (il a reçu des appels et des messages sur son téléphone portable) et que le ferry que nous avons emprunté ce matin pour traverser le canal de l’Isla Grande (où se situe Castro) et l’île de Quinchao est en grève. On prend donc notre temps pour rejoindre le ferry et arriver au « port d’embarcation » une queue de véhicule attend pour prendre le ferry, mais rien n’y fait: le ferry est en grève et ne transportera que des piétons… Pas de souci, Cyril a une solution de secours, il appelle sa femme pour qu’elle vienne nous chercher de l’autre côté du canal et nous laissons son véhicule sur Quinchao. 

 

Après une petite heure d’attente, nous voilà donc de retour sur l’Isla Grande à Dalcahue, et là on constate plusieurs barrages sur la route avec des pneus enflammés mis en travers de la route. L’accès vers le débarcadère vers le ferry est tout simplement boqué. Selon Cyril, il n’y a pas de souci à se faire: les manifestations arrivent à Chiloè, mais elles ne durent jamais plus de 2 jours. Comme la visite de l’église de Dalcahue n’est pas possible du fait des barrages, il nous mène à celle de Nercon, pas loin de Castro.

 

Au moment où Cyril, nous ramène à notre hôtel, nous ne prenons pas encore conscience de l’ampleur de la grève des pêcheurs artisanaux, comme beaucoup. Il est mardi 3 mai et la grève va encore durer longtemps… Ne parlant pas couramment l’espagnol, nous ne comprenons pas tout de suite les raisons exactes de la manifestations des pêcheurs, nous nous renseignons, allons voir les barrages pour y voir quels « slogans » y sont à l’honneur, on y voit notamment :

« Fuerza Chiloé » > Tiens bon Chiloé

« Chiloé esta privao » > Chiloé en colère

 

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Les pêcheurs artisanaux sont très en colère, ils bloquent les principales routes de l’île, ainsi que les ferrys. Se rendre sur le continent est désormais impossible par voie maritime, l’accès aux autres îles de l’archipel est également compliqué. Etonnamment, malgré les conséquences du blocage des routes, c’est à dire la quasi-paralysie de l’île, les pêcheurs sont totalement soutenus par la population. C’est impressionnant de voir comment la communauté est unie. Il faut dire que personnellement je les comprends, ils ne peuvent plus travailler à cause d’une marée rouge qui a ravagé les côtes de l’archipel et tué des milliers de Machas, le coquillage emblématiques de l’île. Du fait de la marée rouge et de ses effets toxiques sur les poissons, coquillages et crustacés, le gouvernement chilien à déclaré la pêche impropre à la consommation et les pécheurs n’ont donc plus le droit de pêcher. Une maigre indemnité de 150 dollars leur sera versée en compensation.

Mais le problème va plus loin et la marée rouge n’est qu’un des effets. Elles sont dues à l’augmentation de la température des océans, et l’accroissement du taux de nutriments près des côtes. Les causes sont multiples: le changement climatique a des impacts qui, à mon sens, seront exponentiels: ici les marées rouges et la mort de la faune marine, là-bas le blanchiment des coraux et ailleurs les premiers réfugiés climatiques causés par l’accroissement du niveau des océans. Les scientifiques expliquent également les marées rouges par le phénomène El Niňo, particulièrement fort cette année, mais aussi les différents mouvements des plaques tectoniques seraient en cause avec des éruptions sous-marines.

En tout cas, les pêcheurs artisanaux ont trouvé un des nombreux coupables: les industries saumonières très présentes au Chili (2ème exportateur mondial) et qui ont complètement investi l’archipel de Chiloé avec des fermes à saumon omniprésente sur les côtes… En effet, cette industrie pollue énormément avec les nourritures délivrées aux poissons et leurs excréments tout cela condensé dans un petit espace. La grève de l’île de Chiloé a un impact considérable sur cette industrie, elle coûterait selon différents médias 9 millions de dollars par jour… Cela étant, les fermes saumonières ont aussi pâti de la marée rouge avec plus de 40 000 tonnes de poissons morts sur les derniers mois.

Au final, même si nous avons été bloqués plus d’une dizaine de jour sur l’Isla Grande à ne pas pouvoir sortir de la ville de Castro, je pense que les pêcheurs artisanaux ont totalement raison de protester et le soutien de la population et une réconfortante, la preuve que l’union par rapport aux puissances industrielles est possible, même si elle engendre des sacrifices. Le peuple Chilote reste soudé et les protestations se font dans le plus grand pacifisme avec, à certains barrages, des installations pour occuper les enfants privés d’école (les pauvres;-)…)

 

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Les enfants s’occupent pendant la grève

 

Et nous, on a patiemment attendu de pouvoir s’échapper de l’île. On connaît maintenant la ville de Castro par cœur, enfin, du moins son marché artisanal, que l’on visitait tous les jours pour acheter des victuailles pour cuisiner le soir. Je suis devenue une experte des pommes de terre paillasson et de la pizza maison – compris la pâte!- (je n’avais jamais pris le temps d’essayer d’en faire. Du coup, c’était une bonne opportunité pour essayer !), j’ai également pu m’exercer à la préparation de cookies 🙂 qui ont ravis, je crois, les autres personnes de l’hôtel.

 

On pensait que la grève aller s’arrêter avec le week-end et que nous pourrions prendre un bus le lundi 9 ou mardi 10 mai. Mais en vain… le lundi 9 mai au matin les barrages étaient toujours là, l’île coupée du continent et les pêcheurs refusaient systématiquement les propositions du gouvernement… L’île est quand même bien jolie. On aurait bien aimé la visiter un peu plus, goûter le Curanto, le plat typique. Dans un premier temps, on s’est dit qu’on allait patienter que le mouvement retombe et qu’on puisse continuer notre exploration. Mais, quand on a vu le mouvement amplifier, les barricades toujours en place, notre objectif est rapidement devenu très simple: quitter l’île coûte que coûte, le plus rapidement possible.

On a donc opté pour un plan B: l’avion. Malheureusement, il n’y avait plus de place disponible avant le samedi 20 mai… Mais à force de discussion avec la compagnie d’aviation LAN, on comprend qu’il y a peut-être un moyen de prendre l’avion du mercredi 11 mai avec des billets du 20 mai ^^ En effet, étant donné les désordres sur l’île, bien que l’avion affiche complet, des personnes ne peuvent pas atteindre l’aéroport à cause des barrages. Il nous indique ainsi que les derniers avions ont décollé avec des places vides. Mais il y a un risque si jamais il venait à s’avérer que les avions soient complets. On se dit que l’on a pas grand chose à perdre et prenons donc ce risque, on achète donc nos billets du 20 mai pour Santiago en croisant les doigts pour pouvoir prendre celui du 13 mai. Le premier challenge consistant à aller jusqu’à l’aéroport situé à 20 km de notre hôtel. Moi pas de souci, je me dis on peux le faire 20 km on l’a déjà fait !!! Mais Fabrice me ramène à la réalité (je suis toujours plein d’optimisme concernant mes capacités physiques), 20 km avec nos sacs sur le dos et sur une route goudronnée c’est pas la même que Torres del Paine. Certes…

On parle donc avec le gérant de l’hôtel et il nous trouve une solution: marcher jusqu’à après le premier barrage (celui à côté de l’hôte, easy!) ensuite prendre un taxi jusqu’au barrage vers Dalcahué, ok et remarcher pour traverser les 2 barrages et enfin rejoindre une de ses amies qui pourra nous transporter en voiture jusqu’à l’aéroport. Vient le matin du départ. Nous prenons le taxi, descendons avec nos sacs à dos, contournons les barricades et nous retrouvons notre chauffeur. Et hop, après s’être arrêtés à plusieurs reprises pour prendre des auto-stoppeurs désireux de quitter l’île comme nous, nous voilà à l’aéroport à 11 heures, le vol est à 14h15.

Première étape réussite.

 

Deuxième étape : rentrer dans l’avion.

On arrive donc devant le check-in et on explique au petit monsieur notre situation, et là il nous dit que ce n’est pas possible de prendre l’avion car nos billets ne sont pas échangeables… Là je monte sur mes grands chevaux, version j’aime pas que l’on se foute de ma gueule… On a acheté les billets dans leur agence et c’est l’agence qui nous a expliqué que c’était possible. C’est même eux qui nous ont proposé cette solution!Il va voir son supérieur et nous dit que c’est finalement bon !!! Ouf, nous voici donc sur la liste Stand-By, en espérant que des gens ne pourront pas prendre leur vol. Et oui, c’est moche… ou qu’il y en est comme nous qui ont acheté le billet Aller/ Retour pour n’utiliser que l’Aller…

 2 heures plus tard, le même petit monsieur nous dit que l’on peut déposer nos sac au « bag-drop », ça sent bon 🙂 On attend encore une heure, jusque 14 heures, pour attendre d’avoir 2 bouts de papier magique, nos billets d’avion pour Santiago !!! et nous voilà enfin dans l’avion pour quitter Chiloé.

 Honnêtement, on est vraiment soulagé d’avoir pu s’échapper de l’île mais on espère que les pécheurs arriveront à obtenir une indemnité décente. 

 

 


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