Patagonie, premiers émerveillements

Il y a parfois des endroits qui appellent. C’est difficile de dire pourquoi, en tout cas, pour ce qui me concerne, je n’en connais pas la raison.

Ma mère et ma grand-mère m’avaient offerts un globe terrestre lors d’un Noël de mon enfance et je voyageais simplement en le faisant tourner et en regardant tous ces endroits dans lesquels je n’avais jamais mis les pieds. Exceptés quelques endroits en France, je n’avais pas eu l’occasion de voyager si loin. J’ai toujours aimé regarder les cartes et ça me faisait voyager de les parcourir du regard, en me demandant à quoi pouvait bien ressembler le lieu que j’avais sous les yeux.

Mais, plus que les grandes villes ou les pays « destination facile », c’était plutôt tous les endroits nettement plus inaccessibles qui me fascinaient. Le genre d’endroits dont on ne parle jamais, où il n’y a pratiquement personne, voire même personne du tout . Ainsi, je m’intéressais particulièrement aux îles perdues au milieu des Océans, aux contrées sauvages et mystérieuses. Lieux sur lesquels je m’imaginais un climat rude, des arbres et des plantes battus par les vents, des montagnes aux sommets enneigés, de grandes étendues sauvages, un océan menaçant, des animaux de toutes sortes et surtout la liberté. Se sentir libre et pouvoir y contempler le spectacle de la nature, dans toute sa force et sa beauté, car c’est elle qui y règne, inaltérée -ou le moins possible- par l’homme.

Les Kerguelen, les îles Gambier, le Groenland, ou bien ces îles au Nord de la Russie dont je ne sais rien. Si j’avais eu le choix, je crois que de vivre à l’époque de la conquête de l’Ouest Américain m’aurait vraiment bien convenu. J’aurais pu construire ma cabane quelque part sur la prairie, près d’une forêt et d’une rivière et y vivre tranquillement.

Mon enfance avait bercée par la merveilleuse série animée des Mystérieuses Cités d’Or que je regardais les mercredi chez ma grand-mère. J’en rêvais de l’Amérique du Sud, des cités Incas mais de vivre les mêmes aventures. Et tout en bas du continent, il y avait cette contrée appelée Patagonie qui me faisait rêver encore plus que toute autre. Allez savoir pouvoir… rien que le nom de Terre de Feu à lui tout seul fait résonner quelque chose en moi. Saviez-vous que ce bout du monde avait été appelée ainsi par Magellan car, pendant qu’il cherchait un passage pour relier l’Atlantique au Pacifique en évitant le dangereux Cap Horn, il avait noté depuis son bateau de nombreuses colonnes de fumée qui étaient allumées par les habitants de cet endroit.

Ushuaïa, Terre de Feu, Cap Horn, autant de noms qui me faisaient vraiment rêver et qui me donnaient tellement envie… je me demandais même si c’était dans ce genre d’endroit que je pourrais partir habiter afin de vivre simplement en laissant derrière un monde bien compliqué.

J’en ai parlé à Amandine de ce genre d’endroits, je lui disais même en plaisantant à moitié que je serais bien allé aux Kerguelen ou sur d’autres îles tout aussi méconnues et délaissées. Mais, quitte à aller en Amérique du Sud, il était obligatoire pour moi de descendre tout au bout du continent Américain. Par ailleurs, en Patagonie, il y a un parc qui s’appelle Torres del Paine. Dans ce parc, on peut y faire une des randonnées les plus belles au monde, parait-il.

Nous avons donc mis Patagonie et Terre de Feu sur notre itinéraire. J’en rêvais tant… La période idéale pour y aller va de décembre à fin-mars. Vu notre agenda, nous avons mis assez rapidement le cap vers le Sud.

Après Santiago, Atacama, Rapa Nui, nous sommes allés à Pucon. De là, nous avons pris un bus qui nous a amenés à Puerto Montt. De là, nous prendrons un ferry Navimag qui nous amènera à Puerto Natales, porte d’entrée du Torres del Paine. Le ferry va longer la Patagonie en passant au milieu des innombrables fjords chiliens. C’est avec une petite tristesse que j’ai quitté Pucon, car j’avais vraiment aimé l’endroit et son cadre de volcans, de lacs et de forêts.

Après 5h d’un trajet de bus sans rien à signaler, nous voici arrivés à Puerto Montt au environs de 21h30. Nous ne prenons pas de taxi et nous tournons un peu en rond pour enfin trouver notre petit hôtel. Le lendemain, direction le port pour aller à l’agence Navimag afin d’avoir confirmation de l’heure de départ de notre ferry : nous devons être dans la salle d’embarquement à 18h. Vu que le départ du ferry avait été décalé à plusieurs reprises, nous avons été gracieusement surclassés (merci) ce qui nous permettra d’occuper ce qui nous semble être une des meilleures cabines du ferry, tout à l’avant.

Nous avons ensuite marché dans les rues de Puerto Montt, ce qui nous a permis de nous rendre compte que cette ville aux façades délabrées n’a absolument aucun charme ni intérêt. Finalement, l’heure approche et nous nous rendons au terminal du port. Après un peu d’attente, nous montons dans un bus qui nous amène au port où nous attend le ferry blanc de Navimag.

Le Lonely Planet nous avait parlé d’un ferry qui pouvait être un peu sordide, mais finalement, il s’agit d’un ferry qui a été racheté à la SNCM et qui est plutôt sympa.

On monte dans le ferry avec les autres passagers, on nous conduit à notre cabine, on s’installe un peu, on fait une balade un peu partout, puis on sert le repas dans la salle commune. Le menu s’avère fort sympathique avec de la soupe maison, une assiette de légumes, un plat chaud avec accompagnement et un fruit en dessert. Ensuite, c’est notre lit qui nous attend et on passe une fort bonne nuit. Pour l’instant, les canaux à travers les fjords sont calmes et le bateau bouge peu.

Le lendemain, c’est un peu la déception qui accompagne notre réveil lorsque nous tirons les rideaux : un linceul gris-noir recouvre le ciel, il pleut, mais surtout le ciel est complètement bouché : on n’y voit absolument rien. Les myriades d’îles que nous allons longer ne sont que des masses sombres observent la progression de notre ferry, mais il nous est impossible de les distinguer. Il en sera ainsi toute la journée. L’équipage a d’ailleurs verrouillé les portes qui permettent d’accéder à l’extérieur. Mais voilà, c’est ainsi. C’est la nature qui décide et c’est nous qui sommes chez elle.

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Moment de répit

 

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En pleine contemplation

Nous nous occupons de notre mieux et la journée se termine. Avec elle, notre chemin au travers des canaux et nous allons gagner l’océan. Adieu la tranquillité et le calme, notre navire va être irrémédiablement balloté par les flots. Nous avions anticipé et nous avions acheté des médicaments en conséquence. Ainsi, aux environs de minuit, nous sommes sur le Pacifique et le bateau commence à suivre la danse des vagues.

La nuit se passe, à peu près correctement et nous faisons au mieux avec le roulis pour aller dans les parties communes (j’ai glorieusement réussi l’épreuve de la douche dans la salle de bains commune). Il y a nettement moins de monde qu’hier… Mais aujourd’hui, enfin, nous pouvons admirer le paysage qui s’offre à nous. Mais pour l’instant, on doit patienter, car depuis le Pacifique, nous somme un peu trop loin. Finalement, le roulis prend fin. Amandine et moi réalisons que nous avons survécu. Nous voici de retour dans le calme du canal et voici qu’apparaissent les îles qui se cachaient derrière le rideau de la pluie : du granite, des arbres (là où ils ont réussi à s’agripper), de l’herbe, une sorte de steppe, des oiseaux qui planent gracieusement au-dessus des flots, de temps en temps une otarie qui montre le bout de son nez.

 

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Nous espérions voir des baleines, mais malheureusement, nous n’en avons pas vu. Dommage. Nous adorons ces animaux et nous espérions vraiment en voir. Tant pis… A défaut, nous avons vu quelques dauphins.

La journée passe et le bateau continue sa progression. Et tout le long, se succèdent toutes ces îles aux formes et aux tailles les plus diverses. Isla Esperenza, Isla Montt. Certaines sont miniscules, d’autres nettement plus grandes. Pas une habitation, pas un bateau -si ce n’est un très petit nombre-, il n’y a que nous, ces îles, les oiseaux, la beauté magique et enchanteresse du lieu et la Nature, chez elle, dans toute sa force.

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Nous restons un long moment sur le pont, à observer, nous imaginant être Magellan, ou un autre navigateur. Et avec cette impression d’être les premiers à être ici. Il n’y pas la moindre trace humaine, si ce n’est quelques balises par-ci par-là, pour guider les bateaux qui s’aventurent ici. Il faut noter un moment émouvant lorsque nous passons près de l’épave rouillée d’un bateau qui s’est échoué là.

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L’épave

D’une certaine manière, les paysages étaient monotones, mais tellement fascinants et absolument merveilleux. Un grand moment fut lorsque nous sommes passés devant un glacier : le blanc de la neige et de la glace mais qui allaient jusqu’à un bleu métallique extraordinaire. Bref, nous ne sommes pas lassés de ce décor et j’ai pris de très nombreuses photos.

 

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Les conditions météo, évidemment, il faut en parler. Le premier jour, comme je l’ai dit: pluie toute la journée. Les deux jours suivants, nous avons eu un aperçu des caprices météorologiques de la nature en Patagonie : du soleil, des nuages, une averse -brève-, du froid, des températures douces et surtout, des rafales de vent extrêmement violentes qui se mettaient à souffler soudainement alors que l’instant d’après il n’y avait pratiquement pas de vent. Et pendant de longues minutes, toutes les passagers présents s’abritaient comme ils le pouvaient ou s’accrochaient au bastingage au cas où une rafale encore plus violente venait à souffler.

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Amandine lutte contre les éléments pour ne pas s’envoler

On nous a invité à aller dans la cabine de pilotage en nous présentant sommairement les différents instruments de navigation. Ce fut aussi intéressant que passionnant.

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Un grand moment a été quand nous sommes passés au point le plus étroit du canal. Je n’ai pas retenu la largeur, mais le bateau s’est vraiment faufilé…

 

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Ca passe? t’es sûr?

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Tu es vraiment sûr??

 

 

Nous étions supposés arriver à Puerto Natales vers 12h. Finalement, c’est plutôt vers 20h que nous sommes arrivés. Nous n’avions pas de réservation, du coup nous sommes allés dans le premier hôtel qui nous a dit avoir une chambre pour nous. Ce n’est que le lendemain que nous avons pris la mesure du lieu : Puerto Natales est une petite ville charmante. Il y a un parfum d’aventure partout avec les nombreuses boutiques de trekking, et, surtout, tout autour, le décor enchanteur des montagnes et des glaciers de Patagonie. Et le magnifique coucher de soleil et ses couleurs.

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Nous sommes allés acheter nos billets de bus et sommes passés au magasin Erratic Rock qui propose un briefing gratuit pour le trek que nous allons faire demain. En effet, nous allons au très célèbre parc national de Torres Del Paine pour 5 jours. C’est ici que nous prendrons la pleine mesure de la légendaire Patagonie qui me fait tant rêver.


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